Eggs-A Glitter Year / Mowno

Published on May 6, 2023

En 1988, Sarah Records sortait Shadow Templepremier de cordée d’une longue série de compilations qui, avec le tempsdeviendront de véritables objets de culte, vénérés tels le Saint-Suaire à Turin. Placé en pole position sur le disque, le fragile hymne adolescent I’m In Love With a Girl Who Doesn’t Know I Exist d’Another Sunny Day permettra instantanément à toute une génération orpheline des Smiths de se retrouver dans le mal-être. Trente ans plus tard, sur son premier EP, EggS reprendra – mais de façon plus guillerette – le flambeau là où Harvey Williams l’avait laissé. Les parisiens s’offriront même le luxe d’aller un peu plus loin dans le storytelling avec I Fell In Love With a GirlShe Didn’t Even Know I Exist Then I Formed My Own Band. Ce petit clin œil anodin, drôle et appuyé, suffira à nous faire perdre toute objectivité et, sans coup férir, nous rallier à la cause des jeunes gens. Il y a parfois des choses qui ne s’expliquent pas.

Même si relativement discrète, la petite troupe de Charles Daneau attire vite l’attention. Les belles promesses entrevues sur le quatre titres éponyme des débuts ne laissent personne insensible. Peu de temps après, les deux singles A Certain Smile et Life During Wartime font naître l’attente. Fin 2020, la cassette An Unexpected Christmas Gift donne des envies d’album jusqu’en Angleterre, où Mark Dobson, tombé fou amoureux du groupe, semble prêt à tout pour le signer sur Prefect Records. Le batteur des Field Mice (Sarah, encore) mettra plus de six mois pour arriver à ses fins et enrôler EggS, devenu entre-temps collectif à géométrie variable suite à l’arrivée de Camille et Margaux d’En Attendant Ana. Le coup d’essai-coup de maître A Glitter Year sortira ainsi sur trois labels différents : les premiers de la classe Howlin’ Banana, Safe In The Rain et Prefect pour le Royaume-Uni. Cerise sur le gâteau, Rough Trade – excusez du peu – diffusera également une édition du vinyle limitée à 100 exemplaires. Tout simplement. Quitte à ne pas se moucher avec le coude, autant y aller gaiement.

A Glitter Year s’ouvre en fanfare sur Local Hero qui, comme Old Fashioned Virtue ou Crocodile Tears quelques minutes plus tard, invitera à se replonger sans plus attendre dans la pop australe de l’indispensable label néo-zélandais Flying Nun. Que ce soit dans l’intention, la qualité d’écriture ou l’énergie, Eggs réussit à s’approprier avec intelligence, et sans jamais reformuler, le meilleur des Bats, Chills ou autres Verlaines. Jamais la distance qui sépare Paris (ou Montreuil, pour les pinailleurs) de Dunedin n’aura été aussi courte. Habilement secondé par un saxophone que l’on se surprend à aimer, le chant partagé entre Margaux et Charles – dont le timbre évoque celui de Paul Linehan de The Frank & Walters – fonctionne à merveille sur How It Was Before ou Still Life. Les épurés et (presque) minimalistes Turtle Island et Masquerade rappelleront que le talent, le vrai, n’a nullement besoin d’artifice pour briller. Les guitares carillonnantes de Daily Hell ou Walking Down The Cemetery Road obligeront, une fois encore, à citer ce label de Bristol que l’on aime tant (Sarah, toujours). Inventif et spontané, A Glitter Year restera très certainement comme l’album le plus rafraîchissant de l'année 2022.

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